A Dark Eldar Story

Chapitre 12/ Une nouvelle aube
Razoir déglutit tandis que son interlocuteur s'avançait vers lui. Le fief de la cabale était en ruine. Les guerriers dispersés. Comment allait il expliquer tout cela à son maître ?
-Ben alors ? On dirait que t'as vu un fantôme !
Surpris, Razoir leva la tête. Une explosion proche illumina brièvement la scène et là, le cabalite reconnut le personnage qu'il avait pris pour Krueger :
-JIGSOW ??!

Le hiérarque laissa échapper un rire diabolique. Du fidèle secrétaire du voïvode ne restait aucune trace. Il avait désormais le faciès carnassier et cruel des commorites de haut rang. Il avait troqué sa tunique noir de rond de cuir contre une armure barbelée, outrageusement chère.
-Surpris mon petit Razoir ?
-Si tu es là, où est le voïvode ?
-Il est en face de toi : je suis le nouveau voïvode, exulta Jigsow en arborant un sourire d'une malfaisance évidente.
Il continua en savourant la mine surprise de la petite assemblée et mima un bien étrange dialogue :
-"Regardez mon bon maître, les exodites font des tarifs de groupe pour les ballades à dos de Carnosaure !
-"Excellent idée mon fidèle Jigsow, j'ai toujours rêvé de grimper là-dessus !"
-"Ooh, on dirait que cette brave bête a faim ! Donnez lui cette friandise mon bon maître !
-"Je retombe en enfance..., allez mignonne petite bête, viens voir ce que j'ai pour toAAAAAH ?!!!"
Le nouveau Voivode repartit d'un rire diabolique, tandis que Pinhid ne put que reconnaître le génie de ce plan : même le tourmenteur le plus doué ne peut ramener à la vie quelqu'un transformé en caca de dinosaure.

Razoir arriva finalement à reprendre ses esprits :
-Alors, euh, Jig... je veux dire Maître, quels sont vos ordres ?
Jigsow arrêta de rire et fixa le sybarite avec une lueur malfaisante dans les yeux :
-Tu fais bien de m'y faire penser, larbin.
Il dégaina alors un fouet barbelé, parcourue de décharges électriques :
-Je dois procéder à un licenciement.

Le tourmenteur et les eldars s'étaient lentement écartées tandis que Razoir comprenait où le voïvode voulait en venir :
-Me... Me tuer ?!
-Bravo, tu es moins bête que tu en as l'air.
-Mais pourquoi ? J'ai tout bien fait comme il faut !
-Allons réfléchis, tu as été le remplaçant du voïvode pendant une certaine période : soit tu as été mauvais et dans ce cas, il faut punir ton incompétence, soit tu as été excellent et il vaut mieux que je me débarrasse d'un potentiel rival.
-C'est pas bête, fit Pinhid.
-Je...je m'en fiche ! Pinhid me ramènera à la vie de toute façon !
-Euh... nan, répondit le tourmenteur, bien embêté. En tant que chef de la cabale, il peut m'interdire de ressusciter qui il veut.
Il poursuivit, devant le regard lourd de reproches de Razoir :
-J'en suis le premier embêté ! Mais tu comprend, les ordres, tout ça... Va falloir te débrouiller pour pas mourir.

Le sybarite dégaina son arme énergétique en se frottant la tempe. Avec lui, sa fidèle épée, parcourue d'éclairs bleus. En face, une arme redoutable capable de le foudroyer quelque soit son armure.
-Ne pas se faire toucher, récita t'il à voix basse. Surtout ne pas se faire toucher.
Les deux combattants tournèrent en rond, l'un face à l'autre. Jigsow, sûr de sa supériorité faisait claquer son neurocide de part et d'autres, envoyant des étincelles vertes dans l'air. Soudain, le fouet partit vers Razoir, comme un cobra tentant de mordre. Le sybarite roula à terre pour éviter le coup et bondit la lame en avant. Jigsow, anticipant le mouvement, tourna sur lui-même et fit décrire un arc circulaire au fouet qui vint cueillir son adversaire en plein vol.

Razoir eut l'impression de plonger vivant dans une baignoire auquel on aurait laisser traîner un câble électrique. Ça ne dura qu'une micro-seconde mais bon sang ! Cette douleur ! Elle surchargeait ces sens ! Elle faisait bouillir ses nerfs !
Son corps fut projeté sur le côté et heurta l'un des murs qui encadraient la scène. Le sybarite retomba au sol, son arme énergétique glissant au loin.
-Bon, c'est pas que je m'ennuie mais quand même un peu !
Jigsow avança vers la forme prostré de Razoir, près à donner le coup de grâce. Tremblant encore de douleur, la vision floutée par la fatigue, le sybarite tenta de se relever. C'est alors qu'il le vit. Peut être était-ce la douleur qui l'avait rendue plus alerte ou juste son instinct de survie, il ne saurait dire. Toujours est-il qu'il remarqua ce détail étrange : Jigsow avançai lentement, chacun de ses gestes - y compris quand il avait manié le neurocide - semblaient calculé et réduit au strict nécessaire. Comme si...
-Mon bon Razoir, il est temps de mettre un terme à ton existGNhlk !
Bondissant avec l'énergie du désespoir, le sybarite saisit la plaque pectorale de l'armure de son adversaire et l'arracha d'un coup ! Le voïvode se mordit la lèvre pour étouffer un hurlement de douleur, tandis que ses yeux s'embuèrent de larmes. Razoir enchaîna en envoyant son poing dans le visage de Jigsow, l'envoyant rouler à terre.

-Co... Comment as tu su ?! Grogna Jigsow en se relevant.
-Ça fait combien de temps que tu faisais le secrétaire ? Combien de temps que t'allais plus au charbon ? T'as perdu l'habitude du matos, on dirait !
En souriant, il lu montra la plaque d'armure qu'il avait arraché : les crochets qui servaient à accrocher l'armure à même la peau était couverts de sang.

Sa gloire fut de courte durée : Jigsow envoya son neurocide frapper, faisant voler la plaque pectorale en l'air et obligeant Razoir à reculer.
-Ça marcheras pas deux fois contre moi ! Il me suffit de t’empêcher d'approcher. Après tout, tu es désarmé !
Il fit claquer son fouet de plus en plus fort :
-Quand j'en aurais fini avec toi, je m'occuperais de ta petite protégé ! C'est qu'elle remplit bien sa tenue cette poulette ! Je me demande si c'est aussi appétissant en dessous.
Maryel hésitait depuis le début du combat : elle détestait Razoir mais l'autre avait l'air beaucoup plus infâme. Les paroles de Jigsow la firent finalement passer à l'acte. Lâchant son compagnon blessé, elle chargea le voïvode qui lui tournait le dos et envoya d'un coup puissant son pied afin d'atteindre l'entrejambe.

Jigsow poussa un cri étouffé. Lâchant son neurocide, il tomba à genoux, les mains serrés sur la coque "moule-burnes" de son armure.
-Ben oui, là aussi, y'a des crochets, fit Pinhid en sifflant d'admiration.
-Ça... CA FAIT MAL !
Le voïvode se releva d'un coup et frappa Maryel au visage, l'envoyant voler au sol.

Razoir sentit d'un coup quelque chose se passer dans son propre corps : c'est comme si du métal en fusion était injecté dans ses veines. Ignorant désormais la douleur, il bondit reprendre son arme :
-JIGSOW !
Le voïvode se retourna et vit le sybarite charger, la lame crépitante sur le point de frapper. Jigsow reprit ses esprits et son neurocide et envoya son arme intercepter son adversaire. Razoir, d'un bond prodigieux, effectua un saut périlleux et atterrit derrière son ennemi.
La lame bleue était marqué d'un mince filet écarlate. Le voïvode fut parcourue d'un frisson puis, avec une lenteur obscène, le haut de son crâne se détacha du reste de sa tête et tomba au sol.
Razoir leva bien haut son arme :
-J'ai gagné.

Le sybarite contemplait l'horizon tandis que les soleils morts de Commoragh se levaient, éclairant la sombre cité tel l'aube sur les planètes du monde matériel. Au loin, les bruits de combats expirèrent peu à peu. Comme à chaque fois, Commoragh reprenait le dessus et pansait aussitôt ses blessures. Le vent faisait claquer les bannières du Poignard Obscure, comme pour saluer le nouveau Voïvode.
Razoir se retourna pour remercier l'esclave qui lui avait permit de remporter la victoire mais elle avait disparu. Même chose pour son compère. Pinhid haussa les épaules, avec un air d'incompréhension : même lui n'avait rien vu venir.
Mais qu'importe, songea aussitôt le nouveau voïvode. D'autres esclaves viendront servir la cabale.

Épilogue
Les événements récents de Commoragh ne furent pas sans incidence sur la société commorite : ainsi, certains reconnurent la marque d'Astrubael Vect derrière cette tentative d'invasion. Nombre de voïvodes avaient péri ce jour-là et il n'était pas surprenant d'y voir la technique préférée du maître de la sombre cité pour se débarrasser des opportuns. Toujours est-il que Vect ne fit rien pour détromper ou confirmer ce genre d'affirmation.

Les deux spacemarines avaient lutté à travers tout le domaine des eldars noirs, se serrant la gorge l'un et l'autre, pour finalement rouler dans l'un des nombreux portails dimensionnels qui servaient de liens vers la Toile. Les cabalites, voyant ça, s'étaient empressé de dynamiter la porte afin de s'assurer que ces deux monstres ne reviennent jamais par là.

De nombreux esclaves disparurent ce soir là : tous les eldars capturés récemment s'étaient éclipsés, déguisé en cabalites et marchant à la queue-leu-leu vers l'une des portails. D’étranges silhouettes vertes menaient la marche mais, occupés avec les orks, les commorites n'y avaient guère prêté attention.

Le retour sur Ulthwé devint finalement une réalité pour de nombreux eldars. Ceux-ci enlevaient aussitôt leur déguisement et embrassait le sol du vaisseau-monde en pleurant de joie. Il arriva que deux ou trois vrais cabalites se retrouvèrent à Ulthwé, en suivant machinalement le mouvement, mais les scorpions s’empressèrent de les les balancer dans le portail encore ouvert, à coup de pompe dans le train.

Les exarques accueillirent Maryel, qui était appuyé par l'épaule de l'exarque scorpion : l'exarque banshee criait victoire, l'exarque vengeur pleurait de joie, l'exarque aigle-chasseur enfouissait son visage dans la tunique à moitié déchirée de l'autarque et l'exarque dragon de feu délaissa -quelques secondes son arme – pour saluer l'officier. Seul l'exarque faucheur noir était absent.

Enfin, Ulthwé avait finalement récupéré l'artefact tant convoité, la Couverture d'Asuryan ! Un témoignage muet de l'ancienne puissance des dieux eldars ! Le vaisseau-monde allait fêter pendant des jours et des jours cette événement qui allait bouleverser le destinée du peuple eldar tout entier !
-Alors ?
Q'Sandria s'adressait à son mentor et amant, Eldrad Ulthran. Tous deux étaient installé dans leur lit, avec l'artefact en guise de couverture :
-Effectivement, c’est vachement confortable ! Cette douceur... Ça aurait été un sacrilège de laisser ça tomber dans l'oubli !
La prophétesse s’allongea contre l' épaule du vieil eldar et promena sa main le long de son torse:
-Si on essayait ça de manière plus approfondie ?
Le prophète eut un sourire lubrique :
-Attends que je réussisses mon test de Psy, dit-il en avalant un verre d'eau avec du viagra.

Chapitre 1: Le réveil du zéro

-Ou... Ou ke jchui?...
Nonork, brave boyz de la tribu des Kasseurs de Machoar, revenait peu à peu à lui. Il sentit peu à peu les sensations lui revenir, sentir qu'il avait des bras et des jambes. Avec un effort qu'il lui semblait horrible, il entrouvrit une paupière...
-Tu est arrivé dans un monde d'horreur. Un monde sublime. De plaisir et de souffrance. Maintenant ton âme m'appartient.
En entendant ceci, l'ork ouvrit d'un seul coup les yeux pour contempler le visage parsemé de clous du tourmenteur Pinhid.

Le peau-verte sursauta et s'aperçut qu'il était entravé sur une sorte de siège. Des chaînes de métal noir fixaient ses puissantes pognes aux accoudoirs du fauteuil et, en tournant la tête, il vit qu'un jeu de lame entourait son crâne, prêt à frapper. L'ensemble de la pièce était noyé sous une lumière jaune et se reflétait sur un dallage d'un blanc impeccable. L'ork avala sa salive et tourna son regard vers le zoreille détraqué.
-K'eske jfai issi ?!
-Allons, je suis sûr que tu peux te souvenir, lui répondit Pinhid avec un sourire malicieux.
Le peau verte se remémora alors les événements qui l'avaient conduit à Commoragh. Cette invitation pour un apéro géant, l'annulation de la petite fiesta et le pillage en règle de la ville et puis...

Le tourmenteur savourait le malaise de l'ork. Derrière lui, droits comme des I, trois de ses plus fidèles gorgones attendaient ses instructions. Pinhid se tint face à l'ork, comme un adulte tentant d'expliquer quelque chose de compliqué à un gosse et prit la parole :
-On va jouer un jeu, tu va voir, je suis sûr que tu va adorer. La sortie est de ce côté là (il désigna une porte à l'autre bout de la salle). Tu est libre de sortir. On ne bougera pas le petit doigt pour te retenir.
La seule condition (il tendit le doigt vers le jeu de lames) est de te sortir de ce petit piège. Oh, rassures-toi, rien de compliqué. Tu auras exactement 5 minutes, dès que j'activerais la machine, pour trouver le moyen de te libérer.
Puis, ils se tourna vers les gorgones pour leur intimer l’ordre d'activer le cruel compte-à-rebours :
-Bon, ceci dit, il n'y a plus qu'à te souhaiter bonne chance et...
Il entendit un bruit suspect derrière lui et fit volte-face.

L'ork, libéré, se levait de son siège en se frottant les poignées. D'un regard incrédule, il posa les yeux sur Pinhid, puis sur chacune des gorgones. Puis, sans un mot, il rejoignit la sortie.
Il y eu un bref instant de flottement, où le tourmenteur resta interdit. Puis, sans se retourner, il demanda d'un ton aussi froid qu'une lame :
-Pas si vite. Qui a oublié de verrouiller ses chaînes ?
Les trois gorgones, qui avait commencé à s'enfuir sur la pointe des pieds, se figèrent. Tremblantes, elles attendaient la réaction de leur maître.

La porte s'ouvrit à la volée et un incube, à l'air paniqué, s'engouffra dans la pièce :
-Maître Pinhid, on a besoin de vous ! C'est une urgence.

Le tourmenteur et ses sbires suivirent l'Incube à travers le dédale du domaine du Poignard d'Obsidienne. L'édifice avait souffert de l'invasion ork mais, après des semaines de travaux, il commençait à retrouver sa sombre majesté. Tout en marchant, Pinhid sermonna ses gorgones :
-Je ne comprend pas... Je croyait que c'était votre petit hobby, ce genre d'activité !
-Il faut nous comprendre, notre bon maître... C'est quand même moins motivant quand ce n'est pas une fille, fit la gorgone la plus proche.
-Surtout après la splendide eldar que vous nous avez ramené l'autre jour, continua un des sbires masqués. Ah, quel beauté ! Quel caractère piquant ! Le cuir lui allait si bien !
-Alors, c'est sûr, quand on a connu ceci... Et qu'on s'est retrouvé avec un ork... La motivation nous a un peu quitté, termina le troisième larron.

La fine équipe arriva enfin au lieu du drame. Un odeur de cordite flottait dans l'air et le sol était jonché de débris. Une épaisse fumée masquait encore une large partie de la scène. Une des portes tenait encore sur ces gonds, rappelant le rôle que tenait la salle avant de subir une déflagration : une plaque figurant un individu mâle, dessiné en noir, était vissé dessus. En dessous, une pancarte, plus récente, rappelait la nécessité de garder l'endroit "aussi propre qu'on l'avait trouvé" et le réflexe hygiénique et plein de bon sens de se laver les mains.
-Où est-il ? demanda Pinhid en tentant de percer l'épais brouillard.

Il eut la réponse assez vite. Un trait de lumière noir partit de la pièce enfumée et alla frapper le mur juste à côté, faisant jeter à terre le tourmenteur et ses sbires. Une voix se fit entendre de la salle en ruine :
-Montres-toi salopard ! Je sais que t'es là !

Un des incubes rampa vers Pinhid :
-Faut nous aider... Ça fait des heures qu'on essaye de le calmer ! Impossible de l'approcher !
-Qu'est ce qui s'est passé, bon sang ?
-Ben on l'escortait comme d'habitude puis on l'a laissé seul pour faire (l'incube grimaça), enfin, vous voyait ! Et puis d'un seul coup, boom !
-Faut le comprendre, renchérit l'un de ses collègues. C'était quand même le seul endroit dans tout Commoragh où il se sentait en sécurité !

Les six personnages baissèrent la tête tandis que d'autres traits mortels frappaient le mur, faisant tomber des débris sur eux.
-Comment ça se fait que j'ai rien entendu ?
-Ben, vous vous souvenez pas ? C'est vous qui avait insisté pour qu'on insonorise tout le labo, répondit une des gorgones.
-Et on peut savoir où il s'est procuré un pistolet disloqueur ?!
-Vous savez, après les dernières tentatives de meurtre... On s'était dit qu'il ne pouvait pas être trop armé. Mais là, ça lui a vraiment fichu un coup...
-Moi, de mon temps, quand on voulait se débarrasser de quelqu'un, on utilisait des trucs civilisés : le poison, le poignard,... Pas d'explosifs !
Pinhid sentit que le mitraillage avait cessé et tourna son regard vers les incubes. Voyant qu'aucun des deux ne comptait s'approcher, le tourmenteur étouffa un juron et, suivi de ses gorgones, rampa vers la salle sinistrée.

Le vieil eldar, après plusieurs mètres dans des débris de bidet, de tuyauteries et des lambeaux de papier-toilette, sentit enfin, qu'il était proche du voïvode. Il perçut sa silhouette à travers la fumée, l'arme à la main et cherchant d’hypothétiques traîtres. Sans geste brusque, il commença à se lever et s'adressa au voïvode :
-Razoir...
La silhouette se tourna d'un coup et tira une rafale dans sa direction. D'un geste vif, le tourmenteur attrapa le première chose à sa portée et s'en servit comme bouclier.

-Rhooo... Pas cool, marmonna la gorgone en contemplant les trois trous fumants sur son torse.
S'abritant derrière son sbire, Pinhid avança délicatement :
-Razoir... C'est moi, ton vieux pote Pinhid ! Tu me reconnais ?
Le voïvode continuait à braquer son arme en direction du tourmenteur (et de son bouclier gémissant). Pendant quelques secondes, il n'y eut que le silence. Puis, Razoir lâcha son arme et s’assit sur un bloc de maçonnerie en se tenant la tête.

Poussant un soupir de soulagement, Pinhid lâcha la gorgone et vint s’asseoir auprès de son maître.
Le voïvode avait vraiment une allure pitoyable : il portait certes une armure digne de son rang mais celle-ci était couverte de poussière de plâtre et soulignait l'état d'extrême épuisement de l'eldar. Un morceau de papier toilette, collé sous sa botte gauche, achevait de rendre le tableau plus pathétique.
Difficile de croire qu'il s'agissait là du chef de la cabale du Poignard d'Obsidienne ! Même si cela faisait à peine quelques semaines que Razoir occupait ce poste, après sa victoire contre l'ancien hiérarque Jigso...
-Tu..Euh... Tu veux qu'on en parles ? Tenta Pinhid d'un air gêné.
-Parler de quoi ?!, explosa Razoir. Tout le monde veut ma peau ! Mes gardes du corps sont des incapables et mes guerriers sont des traîtres !
Le tourmenteur se leva :
-Et bien ? La belle affaire ! C'est ce que vivent tous les voïvodes de Commoragh !
-Ils m'avaient jamais fait ça lorsque je remplaçais Krueger....
-Justement parce que tu n'était qu'un remplaçant ! Mais là, maintenant, t'es un vrai voïvode ! Qu'est ce que tu croyais ? La vie de chef de cabale, c'est pas seulement le pognon et les p'tites pépées ! C'est aussi le couteau dans le dos, la chaud-vive dans la soupe, la dynamite dans les ch...
Pinhid s'interrompit devant le regard noir de Razoir.
-Kof, kof ! Enfin, bref ! Il faut voir ça comme une mise à l'épreuve. Ça veut dire que tu es quelqu'un d'important. Tu crois que l'on essaierait de flinguer – à de multiples reprises - quelqu'un sans importance ?!

Le visage de Razoir commença à retrouver le sourire. Et un certain sentiment de fierté. Oui, c'est vrai, bordel. Il était pas n'importe qui ! Il était un voïvode ! Une personne importante de Commoragh ! Il se leva, emplie d'une vigueur nouvelle :
-Je crois qu'il est temps de montrer qui est le patron, ici.
Le tourmenteur sourit.
-J'allais te le proposer.

Chapitre 2 : A Ulthwé, rien de nouveau

Cette vision... Bon sang, cette vision !
Q'Sandria, l'une des prophétesses les plus douée du vaisseau-monde, se retournait dans son sommeil. Comme ses collègues, elle avait le don de voir les futurs possibles, ce qui permettait à Ulthwé de se jouer du destin et de manipuler les races inférieures.
D'ordinaire, les prophètes utilisaient des runes pour ouvrir le véritable sens de ces visions – même si, parmi la population, beaucoup disaient qu'ils avaient déjà du mal à prédire la météo du lendemain. Sans erreur. Ce même don qui tourmentait de plus en plus ses nuits, déjà bien assez courtes..
Q'Sandria remua de plus en plus dans son sommeil, heurtant le corps du vieil Eldrad, qui partageait son lit. Le vieux prophète, présumé mort, pour son plus grand bonheur, se cachait chez son ancienne élève. Il goûtait désormais la vie loin des réunions de crise et autres responsabilités, se prélassant dans le "jem'enfoutisme" le plus libérateur qui soit. Qui, après des millénaires de bons et loyaux services, lui jetterait la pierre ?
N'en pouvant plus, le corps en sueur, la prophétesse se réveilla, la vision de son rêve imprimée sur sa rétine. Q'Sandria se leva – et étouffa un juron en se cognant l'orteil contre le pied du lit -, sans réveiller son mentor. Il fallait absolument qu'elle garde trace de cette vision. Qui sait, peut être qu'elle allait pouvoir en trouver le sens une fois qu'elle serait bien réveillé.

Le vaisseau-monde s'éveillait. Chaque bloc d'habitation s'activait et chaque citoyen allait rejoindre ses occupations habituelles, avec une discipline qui rendrait jaloux n'importe quel colonel de l'Imperium.
L'autarque Maryel se promenait en se rendant aux casernes d'Ulthwé, là où les Gardiens Noirs s'entraînaient et entretenaient le matériel de guerre. La plantureuse eldar savoura la sensation de pouvoir se promener librement, sans personne sur le dos. Cela faisait déjà plusieurs semaines depuis sa mission pour récupérer l’Édredon d'Asuryan. Ainsi que sa capture. Et sa rencontre avec ce  misérable nabot qui avait osé avoir de tel familiarités...
A cette pensée, l'autarque shoota dans une des poubelles qui traînait sur la chaussée, en pensant à ces événements. Certes, elle et ses compagnons avaient réussis à revenir sur le vaisseau-monde ! Certes, l'artefact légendaire avait finalement pu être récupéré ! Mais ce fut au prix de l'humiliation d'avoir été sauvé par les Prescients, foutant complètement en l'air l'idée initiale de montrer que, oui, il est possible de se passer de psykers ! Désormais, si la populace était contente de retrouver ses guerriers, elle n'en continuait pas moins ses discussions habituelles sur "Ces guerrier-aspects ont bien besoin d'un cerveau !" et autres "Tu vois, si tu travailles pas bien à l'école, ben tu rejoindras un temple-aspect quand tu seras plus grand !".
Au fur et à mesure que les pensées lui venaient à l'esprit, elle donnaient de nouveaux coups dans la poubelle, tous plus violents les uns que les autres. Quand Maryel revit le visage du commorite responsable de son échec, ce fut le bouquet final ! Poussant un hurlement de rage, l'autarque catapulta la poubelle au loin et la fit exploser d'un coup de fusil thermique !

-Dame Maryel, vous allez-bien ?
La plantureuse eldar, reprenant son souffle devant les restes calcinés de moelle spectrale, tourna la tête et reconnut le petit stagiaire qui les avait accompagné :
-Ah ! Bonjour. Qu'est ce que tu deviens depuis le temps ?

Les deux eldars poursuivirent la conversation en marchant :
-Ben, vous savez, je venais vous voir à propos de mon orientation.
-Orientation ? Finalement, tu lâches l'affaire des Tourmenteurs ?
-Ça été très formateur, très enrichissant et c'est un domaine passionnant... Mais j'avoue que m'éloigner autant du vaisseau-monde me rebutait un peu. Sans compter que mon tuteur m'a décrit ce qui été arrivé à ses anciens élèves....
-Tu va retourner auprès des Prescients, alors ?
-Hum, en fait.. non. J'avais autre chose en tête. Je pensais rejoindre un temple-aspect.

L'autarque s'immobilisa :
-... Un temple-aspect ?
-Oui, je sais, on me dira sûrement " Avec les notes que tu as, c'est vraiment du gâchis, bla bla bla...", mais je me sens attiré par ce domaine ! Je le sais, je vous ai côtoyé, vous et les exarques, lors de la mission pour l'artefact !
"Il est malin ce petit", songea Maryel en savourant le côté jouissif de la chose : adresser un vibrant bras d'honneur au Conseil des Prescients en leur escamotant leur chercheur de café/coursier de photocopieuse !
Elle réprima l'envie de rire aux éclats et reprit, après une quinte de toux :
-Hum... Tu as déjà une idée du temple que tu veux rejoindre ?
-Ben, c'est un peu pour ça que je viens vous voir, j'arrive pas à me décider ! Déjà, il y a les Vengeurs...
-Juste trois lettres – de mon ressenti personnel : PPP. Pas d'alcool, Pas de sexe, Pas d'intérêt.
-... les Banshees,...
-Excellent choix. Mais changes d'abord de sexe. Y'en a qui se sont collé une réputation de travesti, avec ça.
-... les Scorpions,...
-Si ça ne te déranges pas de manger des insectes et de ne pas prendre de douches pendants des semaines...
-... les Dragons de feu,...
-Sérieux ?! Tu sais que leur chef est un peu... dingue ?
-... les Aigles Chasseurs,...
-Là, je crois qu'on se rapproche de ce qui pourrait être dans tes cordes. En plus, l'exarque a le même âge que toi !
-... et puis, les Faucheurs Noirs.
L'autarque fixa le jeune eldar droit dans les yeux :
-... Hm... Peut être que ça pourrait le faire. Mais que fais-tu des temples Lance de Lumière et Araignée Spectrale ?
-Ho ? Ben, vous savez... Ils ont même pas de Seigneur Phénix, alors... Ça fait un peu "second choix", non ?
-Évites juste de leur dire ça en face, gamin. Question de diplomatie.

L'autarque se frotta les cheveux d'un air gêné avant de poursuivre :
-Hm... On est pas loin du temple Faucheur. Tu pourrais tenter ta chance !
-Vous ne m'accompagnez pas ?
-C'est un peu particulier... Dis juste que tu ne viens pas de ma part et tout se passera bien.
Sur ces propos pour le moins mystérieux, Maryel repartit à ses occupations, laissant le jeune archonte avec une adresse où aller.

A mesure que l'eldar se rapprochait du temple Faucheur, les rues devenaient plus calmes, comme si les passants évitaient soigneusement les lieux. Il est vrai qu'avoir des voisins déguisés en squelette pendant les heures de boulot doit être difficile pour les relations de bon voisinage... mais il y avait sûrement autre chose. Plus le jeune archonte se rapprochait de la fameuse adresse, plus les indices venaient à lui : ça et là, des traces d'explosions, qui devenaient plus nombreux aux alentours du temple.
-J'imagine qu'ils font leurs exercices dehors...

Il arriva finalement devant la bâtisse. Ce n'était pas un temple très impressionnant – le budget des temples-aspects étant riquiqui sur Ulthwé – juste un bloc d'habitation grand format, décorés de crânes et de squelettes, comme si l'architecte avait été un impérial souffrant du mal du pays.

S'arrêtant un instant pour se préparer mentalement à ce qu'il allait dire, le jeune eldar toqua à l'épaisse porte. Celle-ci s'ouvrit... et l'archonte fit face au canon d'un lance-missile tempête, pointé droit vers son menton !
-Qu'est ce que c'est ?
Une voix sinistre se fit entendre de l'autre côté de l'arme. Déglutissant, le jeune eldar aperçut la silhouette caractéristique de l'exarque Faucheur Noir. Celui-ci, le visage découvert, arborait un visage creusé, faisant écho aux crânes qui décoraient son armure, et son regard était teinté d'une lueur hallucinée, comme s'il souffrait à la fois de migraines et d'insomnie.
-Hum... Je...Voilà... Je..... Je souhaiterais me ren...
-C'est ELLE qui t'envoie ?!
L'archonte sursauta devant l'aboiement de l'exarque et son visage se couvrit davantage de sueurs quand il reconnut le bruit discret mais reconnaissable entre mille du doigt qui se crispe sur la gâchette.
-Nonnonnon,... Je vous jure que non.

Les deux personnages restèrent ainsi immobiles pendant plusieurs minutes, dans un silence lourd de tensions. Finalement, l'exarque baissa son arme :
-Ça va, je te crois.
Il invita son interlocuteur à entrer. Le jeune archonte pénétra donc dans le temple et sa première impression ne s'arrangea pas à la vue de l’intérieur : en effet, les murs étaient couverts de traces d'explosion et le tout baignait dans une odeur de poudre. Couplée avec les décorations macabres de l'architecture, cela donnait à toute la bâtisse l'impression d'être le vestige d'un champs de bataille.
-Hum... Vos... Vos disciples ne sont pas là ?
-C'est leur jour de repos – pour ce que ça veux dire, au vu de nos heures.
L'archonte se remémora les conseils de l'autarque et suivit l'exarque jusque dans son bureau.

Les deux personnages s’installèrent finalement dans la seule salle du temple-aspect qui ne soit pas dédié à l'entraînement ou à l'entretien du matériel. Une expression de surprise parcourut le visage du jeune eldar lorsqu'il contempla les murs du bureau. Le moins que l'on puisses dire, c'était que la rancune était quelque chose de tenace chez les Faucheurs Noirs !
A un endroit, était fixé la photo du Conseil des Prescients, mais quelqu'un avait dessiné des gribouillis ou écrit des injures haineuses à l'aide d'un marqueur noir. Plus loin, même topo avec une photographie représentant l'ensemble des exarques du vaisseau-monde : tous les temples étaient représentés mais – déplorable incident technique – la silhouette de l'exarque Faucheur Noir était masqué par les phalanges du photographe, dont les doigts avaient débordés sur l'objectif.
Sur le bureau, comme pour enfoncer le clou, trônait une poupée à l'effigie de l'exarque Aigle Chasseur, percée de moult aiguilles et de post-its tel que "Traître" ou "Vendu". L'objet était posé sur un carnet dont la couverture arborait la mention "Livre des rancunes", les pages abîmées laissant deviner de nombreuses annotations. Mais le plus impressionnant était la porte du bureau elle-même: un trou béant couvrait la partie supérieure de celle-ci, . Des débris calcinées de photos étaient encore collés aux débris et le jeune eldar reconnut, grâce à quelques détails, l'autarque Maryel.

-Bon, alors, fit l'exarque en s'asseyant – mais en gardant son arme en main -, que veux-tu ?
-Hum... Alors... Voilà : je souhaiterais... me renseigner pour rejoindre un temple-aspect...
Une étrange luminosité traversa un moment le visage du Faucheur : comme si, après des semaines de galères et de frustration, il voyait enfin le Destin lui accorder un semblant de sourire.
-Et donc, tu est intéressé par les Faucheurs Noirs ?
-Oui... C'est ce qu'on m'a conseillé...
-Ah attention, faut avoir des nerfs d'acier pour ce qu'on fait. Ça demande des sacrifices et on croise souvent des frustrations. La galette du lance-missile Tempête qui dévie à côté, l'officier spacemarine qui se trimbale avec une armure d'artificier, le champs de bataille qui t'oblige à bouger, les choix de soutien qui sont déjà plein, l'impossibilité d'avancer au même rythme que les autres guerriers-aspects, l'amitié toute relative des soi-disant collègues, l'exarque Aigle Chasseur qui te nargue parce que lui va en mission et pas toi...
Au fur et à mesure qu'il énumérait ce chapelet de problèmes, son visage s'assombrissait tandis que sa main se crispait davantage sur son arme.

L'archonte tenta de le réconforter :
-Mais l'autar...
La gaffe : il se rappela trop tard le conseil de Maryel !
-FOUTRECUL ! J'VEUX PLUS JAMAIS ENTENDRE PARLER D'CETTE SALOPE !!!
Hurlant de rage, l'exarque leva son arme en l'air et tirant plusieurs salves d'affilées. L'archonte se réfugia in extremis sous le bureau tandis que la maçonnerie s'écroulait dans la salle.
Quand il sentit qu'il pouvait sortir, il vit l'exarque, toujours assis à la même place, recouvert de poussière et de gravats, pointer son arme vers lui :
-Dégages.
-Mais...
-DEHORS !
L'archonte ne demanda pas son reste et courut à toute vitesse à travers les ruines de ce qui avait été le temple Faucheur Noir.
-LA PORTE !
Le jeune Eldar revint et, avec moult courbettes de politesse, ferma ce qui restait de la porte.
Quand il fut tout à fait hors de vue, l'exarque fouilla les gravats et y extirpa son carnet avant d'y noter quelque chose avec une mine rageuse.