Allez, j'ai vu cette section et je me suis replongé dans le passé
Je vous présente donc le projet que j'ai réalisé lors de ma 4e année de beaux arts quand j'étais à Valencia (Espagne).
Thanatos : les corps-ruines
Je ne vais pas vous imposer le mémoire qui accompagne ce projet en le copiant ici, ne vous inquiétez pas
je vais plutôt tenter de résumer correctement le discours qui le présentait. Bon, quelque part, "heureusement" que nous sommes sur un forum eldar noir parce que je me vois mal poster ça devant une assemblée de Sisters
Voilà une citation qui introduit bien le sujet que je traitais.
"L’homme n’est peut-être que le monstre de la femme, ou la femme le monstre de l’homme."
Le Rêve de d’Alembert de Denis Diderot.
Comment le désir agit-il sur l’homme ? L’homme n’est absolument plus maître de son être psychique. Mais s’ajoute à cela le désir charnel ; ce sont alors tous les sens qui participent à la création de la souffrance. Une odeur, une vision, une voix, un contact, ... autant de détails constituant des parcelles de l’être désiré, et le psychisme reconstitue alors la totalité de cet objet de torture.
Cette vision de l’esprit ainsi obtenue est éclatée, les corps sont fragmentés et recollés à la merci des fantasmes donnant naissances à des monstres tout droit sortis des profondeurs de l’inconscient. Pour Françoise dolto, l’image du corps est la synthèse vivante de nos expériences émotionnelles, mémoire inconsciente de tout le vécu relationnel. Ainsi une vision telle que celle-ci, où les corps sont déchirés et éclatés nous renvoie directement à la souffrance provoquée par sa source, le désir. Enfermé dans ce cercle vicieux, les visions s’enchainent toujours plus torturées et brisées.
Dans les années vingt du siècle dernier, Antonin Artaud écrivait :
"Vivre, c’est éternellement se survivre en remâchant son moi d’excrément (…) Il y a peut être une peur à vaincre, le coffre sexuel entier de la ténèbre de la peur, en soi, comme le coffre intégral de l’âme, toute l’âme, depuis l’infini, sans recourir à aucun dieu derrière soi. Et sans rien oublier de soi."
L’exhibition du cadavre et du détail de ses organes, le tout traité par un procédé de conservation, l’exposition du déchet, de l’excrément, pour en faire les objets d’un regard voyeuriste, correspondent à ce que les psychanalystes appellent formation réactionnelle : se forcer à dire ou à montrer ce qu’on ne veut pas savoir ou qu’on ne veut pas voir, pour mieux le conjurer. En l’occurrence, cela permet de mettre à distance notre peur devant la vulnérabilité, devant la déréliction possible de notre propre corps.
Dans la mythologie grecque, la chimère est une créature fantastique dont le nom a été repris pour désigner, dans un sens étendu, toutes les créatures composites possédant les attributs de plusieurs animaux ainsi que les rêves ou les fantasmes et les utopies impossibles.
Le dictionnaire des symboles indique que la chimère est un symbole très complexe de créations imaginaires issues des profondeurs de l’inconscient, représentant les désirs inassouvis, sources de frustrations et plus tard de douleur. La chimère est vue comme un monstre qui séduit et perd celui qui vient à elle, un monstre qu’on ne peut combattre de front et "qu’il faut pourchasser afin de le surprendre dans les repaires les plus profonds".
Paul Diel interprète l’apparence de la chimère, composée du corps d’un lion, d’un bouc et d’un serpent comme celle d’un monstre composite où le lion représente la perversion des désirs matériels, le bouc la domination perverse sexuelle et le serpent le mensonge.
Me voici donc face à mes propres chimères, mes femme-monstres, mes rêves, mes fantasmes et utopies.
TECHNIQUEMENT
La dilution de la peinture se fait avec de la salive. Les peintures sont réalisées à même une couche de sel, l’effet découlant de cette superposition est un grain de peau qui appelle également le spectateur à toucher ainsi qu’une lente corrosion de la matière.
Le désir y est vue comme une maladie qui ronge les entrailles. Les corps humidifiés par leurs sécrétions dégagent une telle souffrance due à leurs membres écorchés en contact avec le sel que la peau s’écaille lentement.
Le désir y est vue aussi comme un cauchemar qui obsède. Toutes les représentations sont faites de mémoire et découlent d’une seule femme. La présentation, sous forme d’une série, rappelle une pellicule photographique dont les images monstrueuses défileraient l'une après l'autre.
Le sel est un élément corrosif qui désagrège lentement les métaux. Une mort ou une disparition étalée sur le temps implique une souffrance. Paradoxalement le sel peut conserver des aliments. Le sel est également utilisé dans certains rites pour se protéger des forces maléfiques. Ceci est donc une boucle infernale dans laquelle l'"objet" de souffrance est enfermé, rongé et conservé dans le même temps. Le paradoxe.
La musique a une importance capitale, elle me permet de réveiller certaines sensations, souvenirs et états d’esprit. Voici quelques exemples de musiques que j’utilise :
- La bande originale du film The Foutain (2006) du compositeur Clint Mansell :
https://www.youtube.com/watch?v=ihF_aXi-Huk&feature=related- Toujours du même auteur, la nade originale de Moon (2009)
https://www.youtube.com/watch?v=4pqxRCUp4r0- L’album The Fragile (1999) du groupe Nine Inch Nails :
https://www.youtube.com/watch?v=Erm19Kdplz4Voilà, je vous passe toutes les références artistiques et l'historique de tel ou tel procédé ou thème dans l'art